L’art de rester zen face aux crises sociétales

Une auto-expérimentation pour chacun

Traduit de l’allemand par Christel Andrieux

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Vous sentez-vous parfois impuissant(e) face au chaos du monde actuel ? Les titres négatifs de l’actualité génèrent-ils une peur de l’avenir en vous ? Alors, cet essai vous concerne. Il vous donnera des indications sur comment trouver une sortie à cette mauvaise posture.

« On n’est pas dans une crise morale, on n’est pas dans une crise politique, financière ou religieuse, on est dans une crise évolutive. » (Satprem, 1981).

Déjà, au début des années 80, l’écrivain français et chercheur de nouveaux mondes, Satprem, confident de Mirra Alfassa, « La Mère », mit le doigt sur la plaie dont souffre notre société. D’après lui, c’est une crise de conscience qui est au coeur d’une crise évolutive d’une société dans laquelle une accablante majorité de ses membres s’est elle-même perdue de vue.

La politique, les marchés financiers et les religions sont autant de structures tournées vers l’extérieur, auxquelles nous pouvons abandonner notre pouvoir lorsque notre propre responsabilité nous pèse trop. En faisant ainsi, nous encourons le danger de nous considérer nous-mêmes comme victimes : victimes d’un dieu surpuissant et répressif qui n’entend pas nos prières, victimes d’une politique en qui le citoyen a perdu toute confiance et par laquelle il ne se sent plus représenté et victimes d’un monde financier fait d’avares égoïstes pour lesquels le « bien commun » reste un mot étranger. La nouvelle formule magique se nomme «Blitz-scaling » (croissance foudroyante), par laquelle la croissance économique est développée à vitesse supersonique, aux dépens de l’efficience, et de ce fait, des employés. Les dégâts collatéraux y sont calculés.

Il règne un nouvel esprit colonial, adapté au cadre offert par notre ère virtuelle de l’intelligence artificielle. Tous semblent avoir perdu une approche systémique de la vie où tout est relié.

La masse des grands défis auxquels nous faisons face, assomme, bouleverse, rend impuissant. Elle nous aveugle surtout sur le rôle que chacun de nous joue dans ce spectacle. S’il est facile de pointer du doigt des institutions comme de coupables bouc- émissaires, il est bien plus difficile de se reconnaître soi-même. Cela demande d’être conscient de la manière dont chacun de nous gère les défis journaliers. C’est seulement lorsque cela est atteint, que l’on peut commencer à s’éveiller.

Que pouvons-nous faire pour ne pas sombrer dans le vaste domaine de lamentations ou ne pas nous laisser emporter par certains « anti-courants » et tendances néo-radicales ? Nous souvenir de notre vraie nature, comment ça marche ?

Vous serez peut-être d’accord avec moi, qu’allumer la radio ou la télévision quotidiennement dès le matin, pour laisser des titres négatifs nous inonder en boucle toute la journée, ne contribue pas à notre bien-être. Cependant, la plupart du temps, il ne s’agit que d’un acquiescement intellectuel qui ne prend pas source dans une prise de conscience intérieure. Souvent, la journée se termine avec des meurtres à la télévision. Les images nous poursuivent jusque dans nos rêves et augmentent inconsciemment notre tolérance à la violence.

Malgré tout cela, certains vivent dans l’illusion d’être intouchables par ces continuels babillages. Par exemple, un monsieur m’expliqua qu’il allumait bien la radio, mais qu’il n’écoutait pas et que, de ce fait, les reportages n’avaient aucun impact sur lui. Beaucoup d’autres personnes pensent de cette façon. Et c’est ainsi que la grande masse des citoyens continue de permettre que, chaque jour, les médias lui gâchent l’humeur. Les répercussions de ces bombardements négatifs vont bien au-delà de la mauvaise humeur et infestent insidieusement, de façon presque inaperçue, notre corps et notre âme, si nous ne commençons pas à nous scruter.

« La détresse est grande. Les esprits que j’évoquai, je ne puis m’en défaire, » écrivit Johann Wolfgang von Goethe dans l’Apprenti Sorcier. Et voilà le vrai sujet : Qu’ont à voir les esprits de notre époque avec chacun de nous et que peut faire chacun pour s’en débarrasser ?

En cherchant des réponses à cette question, il est utile de comprendre quels principes régissent notre monde et comment nous fonctionnons : Quel type de relation entretenons-nous avec la matière ?
Quel état d’esprit et quel contact avons-nous avec notre vraie nature, au-delà de tout dogme et de toute religion ?
C’est là que se trouve la clé de résolution de cette crise de conscience.

Vivre au coeur du paradoxe – L’être humain entre corps et lumière

“Somewhere, over the rainbow, way up high,
Quelque part, au-delà de l’arc-en-ciel, bien plus haut,

There’s a land that I hear of, once in a lullaby.
Il y a un pays dont j’ai entendu parler dans une berceuse.

Somewhere over the rainbow, skies are blue,
Quelque part au-delà de l’arc en ciel, les cieux sont bleus,

and the dreams that you dare to dream, really do come true.
Et les rêves dont tu oses rêver se réalisent.

Some day I’ll wish upon a star, and wake up where the clouds are far behind me.
Un jour je ferai mes souhaits depuis une étoile, et je me réveillerai là où les nuages sont loin derrière moi,

Where troubles melt like lemon drops, way above the chimney tops,
Là, où tous soucis fondent comme les gouttes de citron, au-dessus des cheminées,

that’s where you’ll find me.
C’est là où tu me trouveras.

Somewhere over the rainbow, blue birds fly; birds fly over the rainbow,
Quelque part au delà de l’arc-en-ciel, volent des oiseaux bleus,

why then, oh why can’t I?”
Alors, pourquoi, oh pourquoi pas moi ?

Ce fût ce double arc-en-ciel éclatant (voir photo) qui me rappela la chanson “Somewhere over the rainbow ». Depuis sa première dans « le Magicien d’Oz » elle est jouée, chantée et interprétée en d’innombrables variations. Pendant longtemps, le sens profond de cette chanson que je chantonnais toujours gaiement lorsqu’elle passait à la radio m’échappa.

C’est une métaphore pour « le pays » au-delà de l’arc-en-ciel, c’est-à-dire au-delà de la matière, là ou les rêves deviennent réalité. Il est dit : « c’est à cet endroit que l’on peut me trouver ». C’est le lieu où peuvent voler les oiseaux bleus, mais pas moi. Cette chanson décrit le paradoxe de notre existence.

Dans ces propos il s’agit d’une part de la nature dualiste de la matière et d’autre part de l’essence véritable de l’Etre. Toutes les deux sont soumises à des lois différentes et de ce fait, génèrent un dilemme au sein de notre être physique. Tant que je suis emprisonné(e) dans le corps, en dessous de l’arc-en-ciel, je ne peux pas m’envoler, tel l’oiseau, vers le pays des rêves.

L’oiseau par contre, en tant que métaphore de l’esprit, n’est pas soumis à la loi de la pesanteur, et peut s’élever au-dessus de la matière. Comme l’oiseau, je peux aussi, à la force de mon esprit, me relier aux contrées de tous les possibles et faire descendre les rêves sur terre. Si je ne le fais pas, je reste prisonnier dans la boucle des éternelles répétitions de ces agissements qui me rendent la vie plus ou moins difficile.

L’espace entre les deux arcs-en-ciel de la photo est l’interface, le passage de la matière à la lumière. On pourrait comparer ce dernier à l’espace de l’âme individuelle, avant que celle-ci ne se fonde à nouveau dans « L’Unité » au-delà. Bien sûr, il n’en existe aucune preuve. C’est ce que les traditions ancestrales enseignent et que d’innombrables témoignages d’expériences de mort imminente décrivent. En fin de compte, ce sont notre intuition et notre vérité intérieure qui sont déterminantes. Par contre, elles ne se découvrent pas par la logique.

Le pays au-delà de l’arc-en-ciel est le pays de la lumière éternelle, la bibliothèque universelle, le champ illimité de tous les possibles, nommé également « annales akashiques ». C’est la source de tout être, le Tao. C’est le pays par-delà l’espace et le temps. Toute tentative de description de ce « pays » échoue nécessairement, car toute description est soumise aux lois de notre Illustration des trois couches dans le temple bouddhiste Wat Pra That Doi Saket en Thaïlande monde dualiste. Au-delà de l’arc-en-ciel, par contre, ces lois n’ont plus cours.

L’être humain peut, au mieux, s’approcher de ce « pays » en sentant le souffle de la vie, en écoutant résonner le son de la voix intérieure et en découvrant les bienfaits du silence. Les grandes religions monothéistes comme le christianisme, le judaïsme et l’islam ont appelé « ce pays » : Dieu. Elles nous ont fourni des images et des histoires pour rendre l’indescriptible tangible. Il en a résulté dogmes et règles qui ont érigé littéralement ces images et ces histoires en vérité. Débutèrent alors des luttes religieuses autour de fausses conceptions et pratiques, sous couvert de ferveur missionnaire, au service du contrôle des peuples et des nations.

Malgré tout, la vraie valeur des écritures anciennes n’échappe pas à l’oeil en éveil et à l’esprit éclairé et libre. Il faut y regarder de près, sans se laisser aveugler par les dogmes. Au fond, toutes sont un plaidoyer pour la paix et l’amour de soi et d’autrui. Elles nous donnent une compréhension profonde plus ou moins réussie de la vraie nature de l’être. Cependant, en raison d’abus manipulateurs pendant différentes époques, beaucoup de messages des écritures se sont enracinées de façon négative dans la mémoire collective.

La tradition millénaire du Taoïsme nous fournit également un autre symbole, qui peut très bien nous faire comprendre notre vraie nature : il s’agit du disque rond avec le trou carré en son centre.

Le disque représente la matière. Cette dernière est constituée des deux forces primordiales yin et yang, le féminin et le masculin. Chaque forme, chaque corps est composé par ces deux forces, jusque dans leurs plus fines microstructures – le rond représentant le principe féminin, le carré et les droites le principe masculin. Au sein de la matière, les opposés s’attirent. Aucune des deux forces ne pourrait exister sans l’autre.

Le trou nous indique que la matière n’est pas solide et imperméable, comme le laisse supposer son apparence, mais qu’en son centre, elle est faite de vide. C’est ici que se trouve l’accès à notre véritable nature. Cette sagesse millénaire nous a été démontrée entre-temps par la physique quantique : les électrons et particules sont liés entre eux. Ils sautent d’un endroit à l’autre dans un espace, le vide. Le vide est le lien à la Source, à la

« lumière éternelle », l’essence de notre être au sein de la matière de tous les solides et de toutes les formes, autrement dit : la vraie nature de la matière n’est pas constituée par des objets ou de la masse, mais par des connexions entre les plus infimes particules. La matière est autant corps qu’onde.

Dans sa chanson Anthem, le canadien Leonard Cohen, célèbre ce vide : „There’s a crack in everything, that’s how the light gets in“. (Il y a une fissure en tout, c’est par là qu’entre la lumière).

Le symbole taoïste nous explique également la dynamique du mouvement : Imaginez-vous le disque tournant à l’horizontale. Cela génère une dynamique qui, d’une part, est orientée vers le sujet, c’est-à-dire vers l’intérieur ; d’autre part, elle est orientée vers l’objet, c’est-à-dire vers l’extérieur, en lien constant avec notre environnement, s’éloignant de notre centre. Dans cette dynamique, l’intérieur, donc le soi, reste toujours en lien avec l’objet.

La force polaire du soi, l’extérieure (yang) est en rotation en même temps que le soi (yin) qui tourne sur lui-même. Extérieur et intérieur sont en fin de compte deux aspects différents d’un seul et même

phénomène. Ensemble, ils constituent la dynamique de l’existence physique. La force dont nous avons besoin pour nous connecter à notre véritable essence tend de l’intérieur vers une autre dimension. Elle est représentée comme une verticale pour montrer qu’il s’agit d’une dimension immatérielle dans laquelle tous les contraires s’annulent. Si nous reconnaissons ces principes et les appliquons, alors les 4 idéogrammes sur le disque nous promettent longue vie et santé, en abondance et en paix. – Alors, qu’attendons-nous encore ?!

Chacun connaît le symbole du Tai-Chi, représentant agitation et calme, soleil et ombre. Les chinois affirment que la connaissance de l’harmonisation de ces deux forces primordiales détermine la qualité de la vie. Lao-Tseu* décrit ainsi la relation entre ces deux forces :

Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté, alors la laideur a paru. Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien, alors le mal a paru. C’est pourquoi l’être et le non-être naissent l’un de l’autre. Le difficile et le facile se produisent mutuellement.
Le long et le court se donnent mutuellement leur forme.
Le haut et le bas montrent mutuellement leur inégalité.
Les tons et la voix s’accordent mutuellement.
L’antériorité et la postériorité sont la conséquence l’une de l’autre.
De là vient que le saint homme fait son occupation du non-agir.
Il fait consister ses instructions dans le silence.
Alors tous les êtres se mettent en mouvement et il ne leur refuse rien.
Il les produit et ne se les approprie pas.
Il les perfectionne et ne compte pas sur eux.
Ses mérites étant accomplis, il ne s’y attache pas.

Cependant, il n’est pas utile de viser le maintien de l’état d’équilibre parfait entre les deux forces, car il n’existe aucun état de sérénité parfaite qui soit pérenne et convienne à chaque situation de vie. L’harmonie ne signifie pas que les deux forces doivent parfaitement s’équilibrer. Tout est relatif, tout est limité dans le temps, rien ne dure éternellement. Le symbole nous indique la direction du voyage lorsque nous avons perdu l’équilibre intérieur. Il nous rappelle que nous résolvons définitivement les conflits, lorsque nous avons résolu la lutte des contraires en nous !

Il s’agit de trouver la voie de la moindre résistance. Certains parlent aussi de la voie dorée du milieu, qui nous fait avancer sans souffrir. Finalement, tous les extrêmes conduisent à la souffrance. Pour éviter cela, soulignons à nouveau qu’il est nécessaire d’avoir une haute vigilance. C’est ce que veut dire Satprem, lorsqu’il parle d’une « crise évolutive » de notre société.

Le symbole du Tai-Chi est en mouvement permanent. Il tourne dans toutes les directions, en fonction de ce vers quoi l’être humain dirige son attention et son intention – cela vaut autant pour l’individu que pour le collectif. Le mouvement s’inverse en son contraire, au plus tard, lorsque l’état extrême est atteint.

Chaque mouvement génère son mouvement opposé. Cette vérité est représentée dans le point au sein de chacune des deux forces, qui contiennent constamment leur contraire. Les deux sont reliées de façon indissociable dans le monde physique. On pourrait dire que le point symbolise le principe de l’espoir dans les temps difficiles. Car ce n’est toujours qu’une question de temps, quand la force complémentaire gagne du terrain, c’est-à-dire quand l’individu ou le peuple s’éveille et en a assez de la réalité qu’il s’est lui-même créé. A contrario, il est aussi vrai que les états paradisiaques ne durent pas non plus éternellement.

Des guerres peuvent durer pendant des décennies, des conflits relationnels jusqu’à la mort, mais de même, tout peut soudainement changer par un claquement de doigts, précisément au moment où nous sommes prêts à quitter la prison des sentiments blessés et à nous départir des prétentions égoïstes pour faire un pas vers la liberté. Celui qui sait faire cela a reconnu la vraie nature de l’être et se réapproprie en partie son émancipation.

Alors, pourquoi autant de nos concitoyens restent-ils coincés dans la roue de hamster de la dualité ? Celui qui veut sortir du cycle éternel de la dualité a besoin d’une dimension supérieure, dans laquelle tous les contraires s’annulent et dans laquelle une troisième force se met à gouverner. Cette troisième force se met en oeuvre lorsque nous parvenons à harmoniser et ainsi fluidifier les deux forces primordiales en nous.

Nous pouvons en faire l’expérience lorsque, par exemple, notre mental s’en remet au flot de l’énergie vitale, libérant ainsi l’espace où peuvent survenir des impulsions qui nous permettent de réaliser de grands accomplissements, ou de simplement faire la chose « juste » ou, lorsqu’un état de profond bien-être se déploie en nous, dans lequel tout est juste. Ainsi, nous sentons ce lien profond avec tout ce qui est. On nomme cet état « amour » pour tout ce qui est, c’est l’amour lumineux du coeur. C’est lui qui est la véritable force de la transformation, et non pas l’amour romantique et émotionnellement épuisant.

Trump, gilets jaunes et moi – une auto-expérimentation

C’est un véritable art que d’appliquer les connaissances décrites ci-dessus à un comportement qui permet de conserver calme et sérénité, sans être indifférent, face aux défis actuels de notre société. L’indifférence nous sépare de nos semblables et fait de nous des robots.

Qu’est-ce que cela a à voir avec moi, lorsqu’un Président Trump prête serment de protéger et défendre la constitution, « avec l’aide de dieu », puis prend des décisions qui placent ses propres intérêts au-dessus de ceux du peuple américain ? Qu’est-ce que cela a à voir avec moi, lorsqu’ une colère débordante soulève des gilets jaunes face à la répartition injuste de la prospérité et que cette colère se décharge dans la violence ?

J’avais envie d’en savoir plus et débutais alors une auto-expérimentation. Pendant des mois, je me suis glissée consciemment dans le rôle de l’observateur : d’une part, j’observais les événements extérieurs lors des reportages de la chaîne de télévision américaine MSNBC, d’autre part, je m’observais moi-même.

J’avais choisi Trump comme « objet de recherche », parce qu’il affiche ouvertement ses intentions et sa position, et parce que l’observation est plus aisée à distance, lorsque l’on n’est pas directement concerné.

J’ai également choisi le sujet « Trump » parce que  les réactions de son entourage et de la population illustraient de façon tout à fait pragmatique et compréhensible les interactions entre les deux forces primordiales.

C’est grâce à la loi électorale, qui désigne un Président américain au moyen de grands électeurs, et non pas par élection au suffrage universel, que Trump est devenu Président, alors que la majorité de la population voulait  Hillary Clinton.  Lors d’innombrables manifestations le peuple monta alors sur les barricades. Le mouvement « anti-Trump » était né. Les bannières placardaient « anti » ou « contre » quelque chose. Les manifestants n’affichaient que rarement ce pour quoi ils se battaient.

 Chaque « anti-mouvement » génère de la résistance et de ce fait, renforce justement ce que les manifestants ne veulent pas. L’adversaire déclaré est ainsi mis au défi de réagir avec encore plus de dureté selon le principe « maintenant plus que jamais! ». Dans chaque « anti-mouvement » germe un grand potentiel de violence. Plus les opposants à Trump donnaient libre cours à leur colère, plus le parti républicain se mettait en rang serré derrière son Président. Ainsi, la moindre tentative d’empêcher l’abus de pouvoir par une personnalité autocratique fût-elle étouffée dans l’œuf.

La grande majorité de la population américaine ne s’est réveillée que lorsqu’il n’a plus été possible d’ignorer toute la palette des attitudes « anti » de Trump : anti-environnement, anti-immigrants, anti-OTAN, anti-journalistes, anti-séparation des pouvoirs.

Cela donna naissance à un mouvement avec un engagement sans précédent : POUR des thématiques sociétales et non plus anti-Trump. Par voie de conséquence, les démocrates récupéraient une majorité écrasante à la chambre des représentants.

Pour revenir à la symbolique de l’image du Tai Chi : c’est au point culminant de la force de manipulation – et ce n’est pas encore terminé au moment de cet essai – que la force complémentaire a commencé à gagner en puissance. Cependant, nul besoin d’atteindre les limites avant que les choses ne changent.

En parallèle de ce spectacle médiatique, j’observai mes propres sentiments et réactions corporelles. Qu’est-ce qui remontait en moi, face à ce qui se déroulait au dehors ?

Tout me remontait : parfois, j’avais l’impression d’être au cinéma dans un drame kafkaïen, ou devant une comédie absurde, tellement ce à quoi j’assistais me semblait déjanté.

Mais bien pire étaient mes sentiments de plus en plus fréquents de colère, frustration et peur, jusqu’au jour où je croyais littéralement voir le diable, incarné dans le regard haineux de politiciens et de simples citoyens qui agitaient la rue par leurs protestations.

Je regardais dans le plus profond abîme de l’être humain. Et cela aussi est l’expression de la nature dualiste de la création. Mais nous pouvons choisir de quel coté nous nous positionnons. Jamais de ma vie je n’avais ressenti une peur aussi immense. Devant mon œil intérieur défilaient des images de nazis et Gestapo, bien que j’appartienne à la génération d’après-guerre. Les images actuelles m’ont vraisemblablement reliée à la mémoire collective de cette époque, qui m’a baignée en tant qu’allemande, dès le berceau.

Alors que ces images d’une époque sombre et amère défilaient devant moi, se produisit une chose inattendue : je les reconnaissais clairement comme une partie de ma propre conscience ; car, sans cela, elles n’auraient pas surgi en moi. Devant ce constat, naissait la certitude que je pouvais transcender l’impact que ces images horribles avaient sur moi, en transformant les émotions qu’elles avaient déclenchées en moi. Dans la mesure où j’y parvenais, une partie du passé serait également guérie. Les images et les événements se répètent comme si nous n’en tirions aucune leçon.

Considérés avec du recul, les événements peuvent se ressembler ; toutefois, ils sont vécus et interprétés différemment par les générations suivantes et de ce fait recréés. On ne change que de costume selon la tendance du moment et il ne se distingue des modes précédentes qu’en surface.

Voyons du côté de la France. Thématique différente, même principe : il ne m’a pas été aussi aisé de me détacher du mouvement de protestation des gilets jaunes, que des événements sur le continent outre-Atlantique. Celles et ceux qui devaient sortir, fut-ce pour faire les courses ou pour voyager, étaient confrontés à leurs barrages et actions. L’assentiment de mon soutien silencieux au début de la révolte a basculé dans la désapprobation lorsque se sont produits les premiers affrontements violents. Je dus m’avouer que j’aurais bien chassé les manifestants de la rue.

 Les gilets jaunes firent émerger des choses étonnantes de leurs concitoyens. Chacun fut invité à se regarder dans le miroir pour y sonder sa propre prédisposition à la violence. Mais de toute évidence, peu d’entre nous se sont prêtés à cet exercice, sinon nous n’aurions pas assisté à la poursuite de cette escalade de la violence.

 Ceux qui s’y sont pliés fondèrent le mouvement des « foulards rouges » pour manifester contre la violence. La violence s’est poursuivie, malgré la médiation du président Macron et sa volonté d’établir le dialogue. S’en est suivi la contre-violence de la  police. Peu importe qui a raison ou tort : la violence engendre la violence.

Quelles que furent  les réactions individuelles, au bout du compte, chacun se trouvant  confronté aux gilets jaunes, était au fond face à lui-même. Le malaise me gagnait de plus en plus à la vue de cette couleur jaune fluorescente.

Dans les deux cas, aussi bien celui de Trump que des gilets jaunes, j’ai pu reconnaitre mon état d’esprit et mes sentiments implicites. Les événements extérieurs étaient une manifestation de ce qui sommeillait tout au fond de moi et au fond  d’innombrables autres personnes. J’en faisais et j’en fais toujours partie, dans la mesure où mes émotions répondent aux excitations extérieures. Ainsi, chacun contribue aux évènements sociétaux, même sans être acteur en première ligne.

Sachant que les mots marquent notre conscience et de ce fait créent des réalités, je me demande dans quelle mesure l’hymne national français, aux formulations si martiales, s’est gravé dans la conscience collective des français, leur faisant préférer les manifestations et grèves de grande ampleur à tout autre moyen d’expression de leur opinion.

Cet hymne renouvelle l’appel à la violence lors de chaque évènement public où il est chanté :

Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons!
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons!

Les paroles d’un hymne national sont rarement changées : cependant, en écho à cet hymne, un mouvement écologiste français répand un message différent : « Aux arbres, citoyens ! »

La chute du mur de Berlin est un merveilleux exemple du chemin pacifique que peut prendre le désaccord vis-à-vis d’un système pour parvenir  à la liberté. Mais cela a pris tout de même 28 ans avant que le balancier n’inverse sa course ouvrant la voie à un changement.

C’est lorsque l’espionnage et la prise en filature par l’état des citoyens de la RDA ont atteint leur paroxysme, qu’un nombre critique de la population a également pris conscience de son droit à la liberté.

C’était le moment propice d’une prise de conscience collective pour que les Présidents Bush et Gorbatchev, avec l’aide des relations diplomatiques entre les puissances alliées, pavent le chemin vers la liberté. Le peuple transforma cette énergie en une réalisation.

Dans une de ses chansons, la légende du rock allemand Udo Lindenberg  invite la « famille humaine » à une marche vers la paix :

Viens, marchons vers la paix !
Nous sommes plus nombreux que tu ne l’imagines !
Je suis devant vous avec mes vieux rêves d’amour et de paix (« love and peace ») et chaque être humain est libre.
Si nous nous levons tous ensemble, cela pourrait devenir réalité. C’est le moment, alors je te demande : es-tu des nôtres ? »

L’ancien défenseur des droits des citoyens, Nelson Mandela, nous fournit un autre exemple marquant que la conscience crée la réalité. En tant qu’avocat il combattait le régime de l’Apartheid. Comme nous le savons, cela lui valut 27 ans d’emprisonnement. Pendant ce laps de temps, le révolutionnaire Mandela s’est transformé en pacificateur. Etant devenu le premier Président noir d’Afrique du Sud, il sut mettre fin à l’Apartheid en collaboration avec le régime qu’il avait combattu et qui, de son côté l’avait également combattu.

Les émotions sont le baromètre fiable qui nous permet de savoir si un événement, aussi éloigné soit-il, est aussi mon événement. Les émotions sont le maillon entre le vécu personnel et le présumé « je n’ai rien à voir avec cela ». Ma résonnance émotionnelle nourrit les événements. Donc, cela ne fait pas sens de se faire du souci pour le monde ou l’humanité ; car en « me faisant du souci », je reste en résonance avec le côté sombre de la création. La réalité de notre monde dualiste est que là où il y a de la lumière, il y a également de l’ombre.

Si nous voulons diffuser plus de lumière dans le monde, la seule voie possible est de  transformer notre propre résonnance à la violence et aux débordements de comportement, c’est-à-dire de la convertir en son contraire. On pourrait dire aussi : les anciennes règles du jeu n’ont plus cours, et nous orientons notre regard différemment : à la verticale et non plus à l’horizontale ! Sur un niveau horizontal nous nous contentons simplement d’emballer les vieilleries dans de nouveaux habits. Nous recyclons ! Ce n’est que lorsque notre regard se tourne vers la force tierce qui transcende tout, que la roue grippée peut à nouveau retrouver son élan et générer la nouveauté. C’est ainsi que de l’agitation émotionnelle intérieure peut émerger une compassion douce et compréhensive. Le refus peut muter en acceptation des décisions que chacun prend et redéfinit en permanence selon son contexte, même si individuellement nous ne sommes pas du même avis.

Beaucoup de techniques et conseils sont prodigués par les différentes traditions et les nouvelles écoles. Il revient à chacun de trouver ce qui lui convient, pour autant qu’il ou elle veuille faire rayonner sa lumière intérieure.

Le feu du cœur – La force la plus puissante

Même si le monde semble sombrer dans le chaos et que plus rien ne semble à sa place habituelle, nous sous-estimons souvent notre propre impact sur les événements. Nous sommes bien plus que ce que nous croyons. Si nous regardons de près, ce qui est appartient déjà au passé. De même, de par nos convictions, nous avons déjà  initié ce qui sera, même si le résultat concret n’est pas encore perceptible. Nous devons y croire avant de pouvoir le voir.

Ce sont les plus infimes et lumineuses particules d’une dimension plus élevée qui s’assemblent pour finalement prendre forme. Cela nécessite plus de temps que l’envol de nos pensées.

Dans la dualité la lumière est la force masculine. Pour être reconnue, elle a besoin de l’obscurité, de la force féminine. L’ombre bienfaisante d’un arbre dans la chaleur estivale nous montre à quel point les deux forces sont vitales. Le soleil, le feu du ciel est indispensable à la vie sur notre terre. Il est une partie de nous, car nous sommes des enfants du ciel.

Vortex de feu lors de l’éruption du volcan Kilauea de Hawaï en 2018 (photo : USGS)

Ceux qui ont eu la chance de vivre, de sentir et de voir en direct le fleuve de lave d’un volcan, pressentent la force du feu intérieur de la terre. Cette force est également en nous. Elle est partie intégrante de nous, car nous sommes des enfants de la terre.

Si nous nous relions à ces deux forces dans notre cœur, alors nous devenons des êtres de lumière étincelants, bien plus forts que ceux qui tentent d’éteindre la lumière pour glorifier leur égo surdimensionné.

Voici ce que vous pouvez faire pour vous, à chaque instant et partout. Par un effet secondaire merveilleux vous contribuerez aussi à élever la conscience collective à un niveau supérieur.

Devenez l’observateur de vos pensées et de vos émotions. Ce faisant, vous allez reconnaitre les formes et schémas de vos pensées récurrentes. Ce n’est qu’à ce moment-là que vous pouvez rompre avec ces anciens schémas.

 Invitez le feu de la terre et la lumière du soleil dans votre cœur avant d’agir. Cette seule pensée suffit ! Vous saurez alors, ce qui est le plus juste pour vous dans chaque situation.

Cultivez la joie autant que possible et où que vous soyez! La peur et la joie ne peuvent coexister en même temps. Vous avez toujours le libre choix de ce vers quoi vous tournez votre regard. Que choisissez-vous ?

Adaptez votre message si vous voulez attirer vers vous le bonheur, car la peur attire la peur, la joie attire la joie. Ainsi, vous serez toujours au bon moment au bon endroit.

Mais, peut-être vous arrêterez-vous tout simplement la prochaine fois en voyant un arc-en-ciel et vous souviendrez vous…

Christina Vior

Le parcours de Christina Vior est riche de 30 années d’études intensives et de pratiques de Huna de Hawaï, de chamanisme, de taoïsme avec le Feng Shui, et de géobiologie. Elles a passé 30 ans en tant que cadre dans le monde des entreprises internationales (UPS, BASF, Airbus). Elle donne des conférences et anime des ateliers sur la thématique de l’humanité spirituelle.